lundi 8 avril 2013





La fonction de recruteur externe n'est pas facile. Nous sommes constamment tiraillés entre les exigences de nos clients et les caprices de nos candidats. D'un autre côté, nous jouons le rôle d'intermédiaire entre deux parties que nous voulons unir et nous avons le pouvoir de filtrer l'information dans un sens comme dans l'autre. Étant les seuls à posséder une information complète, nous nous devons de la transmettre le plus objectivement possible et, surtout, d'éviter de la manipuler. Évidemment, il ne faut pas se cacher que nous avons tendance à adoucir les divergences afin de conclure ce mariage. C'est ici qu'intervient notre jugement. Le but est de faciliter une union en laquelle on croit et non de pousser les gens dans l'espoir que cette union ait lieu. C'est là toute la nuance. Il est de notre jugement d'évaluer le potentiel de réussite de cette collaboration et de l'encourager uniquement si nous sommes, en tant que recruteur externe, intimement convaincus de son succès. En d'autres termes, notre objectif doit être d'initier une relation gagnante pour les deux parties et non d'envoyer une facture.

 


Je compare souvent notre métier à celui d'agent immobilier. Tout comme les chasseurs de têtes, cette profession est parfois bafouée par quelques joueurs peu scrupuleux. Si l'acheteur représente l'entreprise, les maisons visitées sont les candidats. L'agent fourbe aura tendance à ne pas divulguer les vices cachés d'un logement et à forcer une signature obtenue par manque de transparence. L'acheteur finira par s'en rendre compte, mais il sera trop tard et sans grande conséquence pour notre escroc. Ce dernier fait en général des transactions uniques, car il y a peu de chance que son acheteur rachète une maison avant un moment. Le recruteur externe, en revanche, fait affaire avec une entreprise qui peut potentiellement lui donner plusieurs autres mandats dans une même année. De plus, il offre des garanties qu'il devra honorer en cas d'échec. Dans ce contexte, l'éthique professionnelle devient un outil rentable qui fidélisera ses clients et ses candidats à long terme.

 
 

L'honnêteté professionnelle passe d'abord par la transparence.
Après une entrevue, les feedbacks transmis à un candidat doivent être constructifs afin qu'il puisse s'améliorer. Il faut dire la vérité, mais attention : nous ne parlons pas d'un produit, mais bien d'une personne. Un manque de tact pourrait avoir de vilaines conséquences sur le moral d'un individu. Par exemple, il ne faut pas dire qu'il est totalement introverti, mais plutôt l'inviter à s'extérioriser davantage.
Il est important de ne pas survendre nos postes à nos candidats ni nos candidats à nos clients. Nous devons présenter notre postulant en exposant ses atouts, mais sans cacher ses défauts. Encore une fois, si nous le présentons, nous devons être personnellement convaincus que ses forces l'emporteront sur ses faiblesses. Laissons au client le soin de trancher.
Un effort d'objectivité s'impose également lors de la prise de références. Nous sommes près du but et il est difficile de résister à la tentation de tourner les coins ronds si les références s'avèrent peu concluantes. C'est pourtant la bonne chose à faire. Si on prend le temps d'obtenir des références, c'est justement pour déceler ce genre de vice caché, et il est de notre devoir d'en informer notre client, quitte à compromettre notre placement. Afin de rassurer le client sur l'authenticité de la référence, le nom et les coordonnées téléphoniques de la personne jointe doivent impérativement accompagner cette dernière. On donne ainsi la possibilité au client de vérifier l'exactitude de l'information transmise.
 
 

Même avec toute la bonne volonté du monde, il est presque impossible d'être d'une totale limpidité. Qu'on le veuille ou non, nous restons au service de nos clients et candidats, et ce sont eux-mêmes qui, parfois, nous demandent de garder certaines informations confidentielles.
Je pense par exemple à une situation où deux de mes candidats étaient « en finale » pour un poste de directeur financier. Après les dernières entrevues, l'employeur décide d'entamer un processus d'offre avec son « finaliste » favori. Cependant, l'autre candidat leur plaît beaucoup et le client souhaite le garder en substitut au cas où l'offre faite au premier serait refusée. Pour ne pas le vexer, l'entreprise m'a demandé de ne pas informer le deuxième postulant qu'il était le second choix. J'ai donc dû le faire patienter au cas où l'employeur déciderait de faire finalement appel à ses services. La dernière chose à faire est d'éviter de parler à notre substitut jusqu'à l'acceptation ou la déclinaison de l'offre. J'ai simplement dit que le client hésitait entre les deux « finalistes » et qu'il avait besoin de quelques jours pour trancher.
 
 

Plusieurs raisons comme la confidentialité, le manque de ressources ou la difficulté à trouver un profil particulier incitent une entreprise à faire appel à un recruteur externe. Dans tous les cas, nous facturons nos services et nous devons justifier nos honoraires. Le client s'attend à ce qu'on lui fournisse une ressource qu'il n'aurait pu trouver lui-même.
Je parle de l'obligation de qualité. Trop de recruteurs envoient le premier candidat « potable » qui est intéressé par le poste en espérant que le processus aboutisse. Malheureusement, cela se solde plutôt par une perte de temps. Ce n'est pas ce que j'appelle « justifier notre facture ». Après avoir pris le temps de rencontrer notre client pour comprendre ses besoins, nous devons nous assurer de lui envoyer des candidats qui correspondent à un maximum de critères requis par le poste, la perfection étant utopique. Ils doivent être ciblés, faire preuve de stabilité et être performants. Ne nous arrêtons pas au premier candidat recommandé. Il faut persévérer jusqu'à ce que nous ayons exploité toutes nos ressources et fait le tour du marché disponible. De plus, le client est toujours heureux de pouvoir comparer et choisir.
Les meilleurs candidats n'étant pas en règle générale en recherche d'emploi, la chasse est le moyen le plus approprié pour trouver la perle rare. L'approche directe est aussi une technique de recherche plus proactive qu'un simple affichage. Avec une annonce, nous n'avons d'autre choix que de nous contenter de ce que nous avons. La chasse, en revanche, nous permet de cibler les entreprises où les employés offrent un grand potentiel de compatibilité avec notre poste. Les réseaux sociaux comme LinkedIn ont même fait évoluer le métier de chasseur de têtes. La précision de l'information que l'on y trouve nous permet de faire ce que j'appelle de la « chasse chirurgicale ». Nous n'avons plus d'excuses de ne pas fournir un candidat bien expérimenté.
 
 

Je dis toujours qu'une mauvaise nouvelle vaut mieux qu'aucune. Un recruteur ne doit jamais oublier qu'il joue avec la vie de ses candidats et les enjeux de ses clients. Nous nous devons de transmettre toute information, à chaque partie, dans les meilleurs délais. Il n'est jamais agréable d'annoncer à un candidat qu'il n'est, finalement, pas retenu. Certains recruteurs jouent à l'autruche et laissent le candidat s'essouffler en ne le rappelant pas. C'est une attitude lamentable ! Il n'y a rien de pire que d'être dans l'attente. Nous devons informer immédiatement nos candidats de tout changement dans leur processus d'entrevue. Même un « Non » peut être un soulagement. Un « Non » lui permettra au moins de faire son deuil, de passer à autre chose et d'aller de l'avant dans sa recherche d'emploi. Pour bien comprendre cette idée, un recruteur n'a qu'à se rappeler comment il se sentait dans l'attente de l'acceptation ou du refus de la plus grosse offre de sa carrière. Imaginez votre désarroi si le candidat n'avait simplement jamais donné de nouvelles...
Il est vrai que nous sommes tributaires de notre client, et il arrive que celui-ci soit tellement débordé que même en plein processus d'entrevue, nous n'ayons pas de nouvelles pendant trois semaines. Encore une fois, plutôt que d'éviter votre candidat, car vous ne savez pas quoi lui dire ou que vous n'avez pas le temps pour un appel inutile, prenez la peine de lui expliquer pourquoi il n'a pas de nouvelles. C'est facile et infiniment apprécié. C'est parfois avec de petits gestes qu'un recruteur peut faire la différence.
 
 

Évidemment, nous souhaitons que notre candidat performe en entrevue afin qu'il ait le poste et nous, notre chèque. De plus, il est vrai que chaque fois qu'un recruteur externe envoie un candidat chez son client, il met sa tête sur le billot. Notre réputation est entre les mains de notre poulain et on veut qu'il gagne. Mais jusqu'où peut-on aller ?
On en revient ici à la conscience du recruteur. Il est important d'être convaincu de la réussite de cette union. Nous pouvons dans ce contexte conseiller notre candidat afin qu'il puisse mettre en valeur ses atouts pour le poste. Nous pouvons même retravailler son CV en collaboration avec lui et dans le respect de la réalité, afin de le rendre plus adapté pour le poste en question.
C'est très différent de mettre toutes les bonnes réponses dans la bouche d'un candidat auquel on ne croit pas, à défaut d'avoir mieux. Cette technique est merveilleusement illustrée et tournée en dérision par la publicité d'une agence de recrutement française1http://www.youtube.com/watch?v=8wkIm2UECJk&feature=related
Ces méthodes peu recommandables sont de toute façon vouées à l'échec. Premièrement, si on invente des forces à notre candidat ou qu'on lui demande d'adopter une attitude qui ne reflète pas sa personnalité, son niveau de stress sera tel qu'il fournira une piètre performance lors de sa rencontre avec le client. À l'inverse, le client pourrait aussi se rendre compte que tous vos candidats ont exactement les mêmes parfaites réponses... ce qui n'est pas souhaitable ! Enfin, même si celui-ci était finalement embauché, son vrai visage serait dévoilé une fois en poste. Chassez le naturel et il revient au galop !
 
 

Si vous n'avez pas d'éthique par conviction, pensez-y à deux fois avant de faire le mauvais choix. Que ce soit à l'égard du candidat ou du client, un manque d'éthique professionnelle finit toujours par se retourner contre vous. Dans certains cas, cela se manifestera par un échec de l'intégration du candidat une fois en poste et se soldera par la frustration du client, une perte de temps et l'utilisation de votre garantie. Dans d'autres cas, ce sera carrément votre réputation et celle de votre agence qui seront entachées.
Même si elle conduit parfois à un manque à gagner à court terme, l'éthique demeurera toujours un excellent investissement à long terme.



* Gregory Delrue, directeur principal, Évolution recrutement.

1. http://www.youtube.com/watch?v=8wkIm2UECJk&feature=related


Date de dépôt : 1 février 2012
EYB2012BRH1034

Bulletin en ressources humaines

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